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la Sarrasine. À chaque strophe, une douleur térébrait son cœur. Il entendait la voix liquide, le souffle léger, le bruit mouillé de la langue contre le palais ; il voyait les lignes calmes du profil, les paupières baissées dans le jeune et lumineux visage, la joie, la tristesse, toute la mobilité de sa maîtresse et ses deux mains attendrissantes de douceur. C’est avec effroi qu’il touchait à ces flèches de beauté fichées dans sa chair et dans son âme. Au milieu des rues étroites, pleines de poussière et de silence, il pressait le pas pour se fuir soi-même, afin de se dérober à ses mortelles obsessions. Brisé de se souvenir, parfois, au milieu du jour, il tombait de sommeil comme il n’arrive pas après le plus grand effort physique. Puis le soir, quand un léger souffle renaissait