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jour qui se relève. » Mon Dieu, c’est le Temps, le Temps très bon et très puissant. »

Enfin, à la veille de sa mort, cette belle page :

J’ai été purement stoïcien entre quinze et dix-sept ans ; j’avais alors Marc-Aurèle constamment sur ma table et je me grisais à froid d’Épictète… Depuis la guerre, j’ai dépassé et abandonné la doctrine stoïcienne ; je n’avais plus besoin de cet échafaudage, je l’ai mis à bas. J’étais mal à l’aise dans son déterminisme, et puis elle me paraissait vraiment trop sèche et manquer de cœur. Je continue à croire que la principale vertu est l’effort de la raison pour voir les choses à leur place dans l’ensemble, pour les « remettre au point » en toute vérité et simplicité, et à mon détriment s’il le faut, quelque douloureux que ce soit, mais je ne crois pas que le monde soit pénétré de raison. Je constate qu’il est mené uniquement par les sentiments et les passions.

Quelle solitude dans ces réflexions ! On peut hardiment supposer que ce petit recueil de lettres exprime une manière de penser qui fut à peu près unique dans les ravins de la Fille Morte. Roger Cahen est seul en face de la nature.