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gaieté indéfiniment renouvelable, une âme toute fraîche et nette, accueillante, à tous et à toutes les sensations. J’ai chaque matin l’impression que je viens seulement de naître et que je vois le vaste monde pour la première fois… » Certaines de ses lettres écrites sur ses genoux, à la lueur d’une pauvre bougie, à cinq mètres sous terre, sont d’un grand lyrique. Écoutez avec piété ce fragment de l’éternelle poésie :

Splendeur du jour naissant, aucun hymne n’égalera celui qui monte dans l’âme des hommes qui veillent dans les tranchées quand, après des heures d’attente, ils sentent, puis voient apparaître et grandir le jour triomphant. À ces instants-là, j’ai tout un orchestre en moi. Si je pouvais noter ces chants intérieurs qu’aucun concert ne me rendra jamais ! Si vous saviez combien elles sont riches et belles les émotions que donne la venue au monde du jour bien-aimé !

Je n’entendrai jamais les prisonniers de Fidelio monter sur la tour, sans associer à la musique sublime de Beethoven cette voix du petit sous-lieutenant… Une nuit,