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quand vous étiez à la messe, par une attention de la très sainte Providence, j’ai été atteint par une balle qui m’a traversé la cuisse, et je suis tombé. Et à l’endroit même, je suis encore, car, par une ressemblance vraiment très indigne avec mon doux Sauveur Jésus sur la Croix, je suis vraiment cloué à ma croix, n’ayant pu bouger ma jambe d’un seul millimètre. Ma blessure me fait à peine souffrir quand je ne bouge pas, mais je souffre beaucoup de la soif. Mon moral est très bon, je n’ai aucune angoisse. Mon crucifix devant moi, je prie et j’attends la volonté du Bon Dieu. Vous savez qu’avant de partir j’avais fait le sacrifice de ma vie. Je l’ai renouvelé bien des fois, depuis hier matin, je le renouvelle encore une fois, avec tout ce qu’il plaira au Bon Dieu d’y ajouter ou d’en retrancher. Je ne redoute pas la mort ; je l’ai vue et je la vois encore de trop près en ce moment. Elle n’a rien d’horrible, puisqu’elle apporte le bonheur.

Vous-mêmes, je vous en prie, que votre chagrin soit silencieux, résigné et presque joyeux. Ma grande peine est de vous quitter, mais je sais vous retrouver bientôt. (En Avant, bulletin paroissial d’Ardelay, Vendée, et lettre communiquée.)

Les mystiques disent qu’il faut se clouer par le désir à la Croix du Christ, et l’on sait sur ce thème une belle lettre de sainte