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12 mai 1916 devant Verdun, qui appartenait au monde des affaires. Ses lettres, d’un ton ferme, respirent le plus salubre sentiment patriotique et familial.

Âgé de quarante ans, affecté au service des étapes, il demande à passer dans l’active. « J’attends impatiemment de faire mon devoir comme je le désire et le comprends ; comme Français et Juif, je dois le faire doublement. Il faut au pays en ce moment tous ses hommes valides pour la défense les armes à la main ; — je suis dans un service qui peut se faire fort bien avec des hommes d’âge et moins ingambes, mon devoir est d’offrir mes services ailleurs… »

En date du 6 janvier 1915, il envoie à sa femme cette page toute pleine de la piété terrienne d’un israélite alsacien :

Avec quelle joie je m’en irai du côté de l’Alsace et quels souvenirs en pénétrant en uniforme dans ce pays de nos rêves ! Nos pauvres papas en tressailliraient dans leurs tombes ! Enfin, la « revanche » dont ils ont tant parlé, dont leur cœur débordait ! et mon brave frère, mon ancien sous la capote, et dans quels tragiques moments ! avec quel plaisir je le vengerai ainsi que Robert mon frère trop tôt disparu ! Quelle note à faire payer aux Bandits et combien je serai féroce créancier !

Dis-leur à tous, aux frères et sœurs, que jamais peut-être nos cœurs n’ont tant vibré à l’unisson et n’ont com-