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Sur le même sujet une lettre signée d’un nom important dans la société parisienne :

Je ne voudrais pas vous laisser croire que les consciences des Israélites morts pour la France avec amour « sont vidées de leur tradition religieuse ». Je ne peux cependant vous apporter des « textes » qu’en vous demandant formellement de ne les prendre que comme anonymes. Par modestie d’abord, et par justice aussi pour les héros inconnus, je désire que le nom de mon fils soit par vous pieusement gardé sans être publié…

Je me conforme à regret à cette volonté ; je tairai le nom du héros, qui occupait une haute charge ; je me borne à analyser le petit dossier que l’on me communique.

Âgé de 33 ans, sergent au 360e régiment d’infanterie, ce soldat israélite a pris part aux combats de Réméreville, Crévic, Bois Saint-Paul, Velaine-sous-Amance, du 25 août au 14 septembre 1914. À cette date, il écrit à ses parents une lettre qui va être la dernière :

Papa, maman adorés. Merci de vos tendres cartes et lettres que je reçois très bien, mais en paquet. Hier soir celles du 31 août et du 1er septembre. Vous êtes, j’en suis sûr, une infirmière admirable, mais je n’aurai pas pour cette fois besoin de vos soins. Nous sommes aujourd’hui revenus en arrière pour longtemps de la ligne de feu où nous sommes depuis le 26 août, surtout depuis le 2 septembre. Je n’ai pas eu une atteinte, pas une égratignure, et pourtant je me sentais presque sûr,