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l’on ne puisse penser qu’aux ordres reçus et aux moyens de les exécuter pour le mieux. Mais avant ! La demi-heure qui précède l’attaque ou la reconnaissance offensive, possède une grandeur tragique. Chacun, catholique, protestant ou juif se recueille, et les véritables croyants se reconnaissent à leur calme, qui, à ce moment, ne peut être feint.

» Je vous écris en toute sincérité. Chaque fois que je voyais qu’il fallait aller à la mort, je pensais à « Lui », et mon devoir m’apparaissait naturel, sans mérite. Lorsque j’ai été enseveli, je me suis cru blessé à mort et ma première pensée a été encore pour mon Dieu.

» La religion juive n’est pas faite pour le peuple, car elle n’est pas composée de petites pratiques extérieures, mais uniquement de l’idée de Dieu et de la survie de l’âme. C’est pourquoi il y a peu de véritables croyants.

» Il m’est arrivé, voulant me recueillir, d’aller m’agenouiller dans une église et je ne crois pas avoir commis un sacrilège.

» Voilà mon état d’âme que je vous expose simplement, sentant chez vous une sympathie. » (Lettre du sous-lieutenant L., 29 décembre 1916.)