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ses récoltes inachevées et rendant son bétail à la liberté de la prairie. François de Torquat accourt vers la France.

Sergent d’abord, puis lieutenant, puis capitaine, il écrit à sa femme : « C’est une responsabilité, tu sais, ma compagnie : prie beaucoup pour que ton pauvre mari soit à la hauteur de la tâche et du rôle qu’il aura à remplir ; j’ai le frisson en pensant que de moi peut dépendre la vie de plusieurs. Ils auront les yeux fixés sur moi. Prie donc bien pour que je sois à la hauteur et que je donne l’exemple ; et, ensuite, tu prieras pour que, si c’est la volonté de Dieu, nous puissions nous revoir et nous aimer longtemps encore… »

Toutes ses lettres ont cet accent de foi ardente et raisonnée. Les bruits d’attaque circulent… Il prépare les siens au deuil : « Prie le bon Dieu bien fort, chère petite femme, pour que le grand déclanchement qui ne peut tarder beaucoup désormais soit couronné de succès… Dis-toi que la souffrance est une grâce qui nous est offerte par Dieu et un bienfait pour qui sait en profiter. Dis-toi que ce que Dieu fait est bien fait. Il nous mène ; acceptons sa main ; nous serons bien conduits. »