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parce que ceux-ci ne voulaient pas les laisser partir ; j’en ai vu un qui pleurait de rage… Nous avons tous des morts à venger. »

Ce 8e bataillon avait déjà été remplacé huit fois au feu. Le lieutenant disait à Michel Penet et à ses camarades : « Sachez que les chasseurs ne sont pas faits pour vivre. » Allègrement le petit soldat s’en va à son destin. Il dit : « Je m’en vais plein de confiance en la miséricorde divine ; certes, il est dur de faire un tel sacrifice lorsqu’on n’a pas vingt ans. C’est l’âge où il fait bon vivre. Demain nous serons en Argonne ; ce sera la lutte à outrance. Je combattrai pour la France, offrant mon cœur à Dieu, et le soir, lorsque la lutte terminée, je jouirai de quelques minutes de repos, ma pensée s’envolera vers vous, qui m’aimez tant et que j’aime plus encore. Quand la nuit viendra, nous unirons nos cœurs. » Sur son passage, il note : « Ce qui m’a le plus frappé, ce sont les vieilles femmes. Combien en ai-je vu qui s’essuyaient