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sacrifice : « Croyez bien que je comprends la peine que doit éprouver un père en voyant partir pour le grand inconnu de la guerre un fils de vingt ans, qu’il a élevé à force de travail, de souci, d’économie… » Et toute la suite. Est-ce beau, cette volonté qui domine ce cœur tendre, aimant la vie ?

C’est vers ce temps-là qu’avant examiné ses capacités, son courage, le dévouement de ses hommes, il dit : « Tout est prêt. » Et voici alors la lettre suprême à sa jeune confidente :

Ma chère J…, demain à la première heure, aux accents de Sidi-Brahim et de la Marseillaise, nous chargerons les lignes allemandes. L’attaque sera probablement meurtrière. Je viens, à la veille de ce grand jour, qui sera peut-être mon dernier, vous rappeler votre promesse… Rassurez ma mère ; pendant une huitaine de jours, elle va être privée de nouvelles. Dites-lui que quand on va de l’avant on ne peut écrire à ceux que l’on aime ; on se contente de songer à eux. Et si le temps s’écoule et qu’on ne reçoive rien de moi, laissez-la vivre d’espoir, soutenez-la. Si enfin vous apprenez que je suis tombé