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je viens d’apprendre la mort de plusieurs de mes camarades arrivés récemment sur le front comme aspirants. Si cela m’arrivait, je compte sur vous, ma chère J…, pour consoler mes parents. Vous leur diriez que je suis mort, face à l’ennemi, protégeant la France de ma poitrine, et que ce n’est pas en vain qu’ils m’ont élevé jusqu’à vingt ans, puisqu’ils ont donné un défenseur à la France. Dites-leur bien que mon sang n’a pas été répandu inutilement, et que ces nombreux et douloureux sacrifices de vies individuelles sauveront la vie de la France.

Ces enfants, dans leur dure vie, ne veulent pas être plaints, ni ménagés, ni admirés.

J’ai appris avec étonnement, écrit-il à ses parents, que M… était allée voir à mon intention le capitaine V… et le commandant de R… C’est par trop « culotté » ! Que M… ne s’inquiète donc pas, qu’elle ne s’agite pas, qu’elle reste calme. Pourquoi aussi me dire toujours mon « pauvre » Jean ? Nous n’aimons pas à être plaints comme cela ! Dites-moi « mon cher Jean » ou « mon brave Jean », ou « mon petit Jean ». Pourquoi « pauvre » ? Serait-ce parce que je fais mon devoir comme tous mes camarades ?…

Et quel est son devoir ? Quelle existence