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Une heure grave arrive… il faudra marcher à la baïonnette… Si j’y reste, je demande une chose, c’est que le peu de forces consacrées qui était en moi puisse rejaillir sur ceux que j’ai aimés et qui m’ont aimé, sur tous mes compagnons d’idéal et de labeur.

Et, dans le même temps, cet autre texte sibyllin :

Je me sens déjà changé. L’être abstrait qui était en moi tombe à petits coups. Bien des réalités de l’ordre spirituel, qui n’étaient que des fantômes, sont devenues chair et vie, par une expérience à chaque instant renouvelée. J’apprends à vivre.

Qu’est-ce à dire ? Quelle est donc cette vie que cet enfant apprend en même temps qu’il apprend à mourir ? C’est le grand secret. Mais je crois entendre avec émerveillement cette jeune bouche d’ombre. L’existence, nous dit-elle, peut être un dégagement constant, un acheminement, un déploiement qui commence ici-bas et se continue quand l’être « en partant pour le ciel » épanouit ce qu’il avait créé dans son intérieur. La vie éternelle, si je comprends