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jour, dans la tranchée, il songeait à la mort et lui cherchait un remède :

Il est infiniment doux, dans des moments comme celui-ci, de sentir qu’il y a d’autres âmes autour de nous, qui, si nous ne pouvons pas le faire, sauront élever bien haut le flambeau que nous venons de porter en avant…

Mais soudain il s’arrête, il écarte ce vol des oiseaux de deuil :

D’autres ? dit-il… J’ai trop foi dans la vie et dans sa valeur pour m’arrêter à cette hypothèse. Je ne veux pas me préparer à la mort, mais à la vie. À la vie éternelle sans doute, mais plus immédiatement à la vie terrestre… Quand je reviendrai, il faudra que je sois changé ; je n’aurai plus le droit d’être ce que j’étais ayant, sinon à quoi m’aurait servi cette guerre ? Elle doit renouveler l’humanité, et notre devoir n’est-il pas d’être renouvelés nous tous les premiers ?

Et le voilà qui, pour concilier ses chances noires et sa jeune ardeur à la vie, décide qu’il vaincra, que par-delà le tombeau il veut travailler encore et que dans l’éternité il poursuivra sa tâche spirituelle terrestre.