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nature qui m’est si amie ?… » Une autre nuit, dans un vallon perdu, j’ai entendu un rossignol chanter si merveilleusement que sa voix nous a fait taire longtemps… La nature me console ; elle est mon amie, je suis dans son intimité ; j’ai épié tous les moments de la nuit et du jour. J’ai vu dans ces bois de la Meuse, que j’appelle mes bois, naître chaque feuille, reverdir chaque taillis. Ils m’abritent et me protègent quand survient la tourmente…

Cette familiarité avec la nature, très fréquente chez nos jeunes soldats, est bien émouvante. Ils retrouvent là une mère qu’à leur âge, dans une vie heureuse, ils n’auraient pas reconnue. En écoutant Léo Latil, j’ai très sûrement l’impression de voir un exilé, un petit descendant de Théocrite et de Virgile, un berger sicilien dans nos bois de Lorraine, et, quand je veux le dire, lui-même me devance :

Le clair de lune est magnifique : j’ai dormi comme un pâtre sur un lit de feuilles mortes, malgré le bruit effrayant des 75 qui claquaient derrière nous.

D’autres ont aimé la nature autant que l’aime cet enfant, et Maurice de Guérin,