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Une colline boisée où s’étagent trois lignes de tranchées ; en face, l’autre versant de la vallée tenue par eux. Quelle terre admirable ! La plus douce de France. Si vous saviez comme les bois sont les amis des soldats. On peut sortir des trous et des cagnas de feuillage ; on se lave aux sources claires ; les taubes ne vous voient pas. Il n’y a qu’un désagrément, c’est que ces vilains singes d’en face grimpent sournoisement sur les arbres et nous canardent.

Je ne connais pas de poésies pastorales plus limpides, plus transparentes que ces lettres où l’on voit passer soudain le lièvre de Cowper et les perdrix de Francis Jammes. Le jeune guerrier les accompagne d’un regard d’enfant bienveillant.

… Ce qui m’adoucit toujours toute épreuve, c’est de vivre si près de la nature à tout instant et de la connaître mieux qu’aucun civlot ne le fit jamais. Un soir qu’arrivés trop tard, le petit instituteur et moi, nous n’avions plus trouvé de place sous les baraquements, nous nous sommes étendus côte à côte au pied d’un grand hêtre, et presque tout de suite la pluie s’est mise à chanter sous les feuilles. Le grand arbre n’a pu nous protéger. Mais je pensais : « Que peut-il m’advenir de mal de cette