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Le jeune Antoine Boisson, né d’une famille de soldats, à Lure, dans une de ces petites villes de l’Est pleines de vertus militaires, quitte le lycée pour s’engager au premier temps de la guerre. Aspirant au 47e d’artillerie, il va mourir à dix-huit ans pour la France et il écrit sur son carnet de route, à la date du 1er janvier 1916 :

Aujourd’hui commence la nouvelle année : ce sera l’année de la victoire. Que sera-t-elle pour moi ? Sans doute, si Dieu me prête vie, l’année qui marquera le plus dans mon existence. Je vais me battre, faire la guerre, la vraie guerre, la guerre sainte, qui a déjà eu depuis dix-sept mois tant de victimes, mes amis, mes camarades, mes compatriotes… Quel que soit le destin qui m’attende, je ne veux pas m’arrêter à interroger l’avenir. Sans doute, je me suis demandé ce matin : Que sera-t-il de moi lorsqu’une nouvelle année viendra remplacer celle-ci ? Mais ma conscience a vite répondu : Fais ton devoir, tout ton devoir… C’est la seule pensée digne d’un soldat volontaire comme toi. Que l’esprit et le cœur annihilent les instincts animaux et les révoltes de la nature ! Il faut avoir devant soi un grand rêve à poursuivre, un but. Et cette guerre n’est-elle pas pour dresser les caractères ? C’est elle