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Marseillaise. Arrivés à la strophe sublime, « Liberté, Liberté chérie », beaucoup, en chantant, regardaient leur voisin chanter et croyaient recevoir de lui une promesse fraternelle, un consentement à toutes les idées. Cette nuit était pleine d’espérance et de réconciliation. Il était impossible qu’il n’y eût pas une compensation à tant de maux. Une épreuve si effroyable devait rendre les gens de l’arrière meilleurs, comme ils se sentaient eux-mêmes. Sans doute, on vivait des jours bien misérables, mais tous croyaient à la vertu souveraine de leur sacrifice. S’il est un camelot du roi à ce banquet et qu’il entonne son chant d’allégresse et de lutte, le refrain prophétique s’élargit, gagne toute la table :

Demain, sur nos tombeaux,
Les blés seront plus beaux.

Les convives de cet immense banquet se virent, s’écoutèrent, se reconnurent et se justifièrent. La France comprit l’unité de son cœur. Au cours de cette nuit qui mé-