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Ils s’obligent à la gaieté, à la blague, mais quand ils se retrouvent seuls ? À part les grands moments où l’on peut s’oublier totalement, on est si souvent en présence de soi-même dans cette guerre ! Chacun de ces hommes, au moins à certaines heures, se sent subordonné, misérable, minime, pauvre fétu jeté dans la fournaise, mais avec un tel frémissement ! Ah ! combien les cœurs sont vivants ! Nos paysans soldats ont presque toujours la tête chez eux. Écoutez ce cri d’un jeune protestant, le sous-lieutenant André Cornet-Auquier, qui écrit à sa famille : « Cette nuit, je suis de service dans mes tranchées. Une nuit superbe, avec de la lune. Ah ! qu’il y fera bon prier pour vous ». (Lettres publiées par le pasteur A. Cornet-Auquier, à Chalon-sur-Saône, et non mises dans le commerce.)

Quel état de vibration révèle une telle image ! On voit que l’âme refuse de respirer cet air glacé, veut à tout prix sortir d’une solitude douloureuse, chercher une