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ce papier pour qu’ils jettent librement leurs feux.

Nous repartons en première ligne, écrit le jeune soldat, en date du 24 mai, près d’Arras ; nous avons encore une crête à enlever ; ce sera dur, mais « impossible n’est pas français », et alors c’est la trouée de Lille et la percée est faite. Je pense souvent à vous tous et mon seul chagrin est de vous sentir angoissés pour moi. Sans cela je serais parfaitement heureux ; je suis comme un poisson dans son élément. C’est une vie épatante et je suis bien sûr que quand ce sera fini, je regretterai que les Boches n’aient pas duré plus longtemps.

Le 9 juin, il envoie des photographies à son père :

Le numéro 1 représente mon drapeau. Il est grièvement déchiré, et on voit les buissons au travers, mais je suis heureux d’envoyer le portrait de ce glorieux bout de soie qui est un peu « moi », car il est nous tous. Il est l’image du 66e. Il est, comme lui, bien déchiré, bien diminué, mais toujours le même, et comme le 66e il ira à la victoire très prochaine que nous allons enlever à la baïonnette.

Le 13 juin 1915, à son père, encore :

Il est 4 heures et demie, dans une heure et quart nous partons. Mes hommes viennent d’aller cher-