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pent la Belgique, le Nord de la France, une bonne partie de la Pologne russe. Tout cela donne à l’ennemi une franche supériorité. Or ce qu’il faut pour la paix et le salut de la France, « intimement liés, comme le disait Proudhon, à la paix et au salut de l’Europe », c’est le démembrement de l’Allemagne, la restitution de l’Alsace-Lorraine, notre agrandissement sur le Rhin, la libération de la Belgique. À pareils maux, pareils remèdes. Contre Napoléon se sont dressées coalition sur coalition. Il fallut quinze ans pour l’abattre. Contre Guillaume, il en sera absolument de même.

Pensée nette, pensée dure, où la sagesse a le ton tranchant de la jeune inexpérience. J’aime infiniment ce feu et cette dureté. J’aime cette pierre du torrent, pleine d’étincelles. Combien cet adolescent, à son propre insu, devait être romanesque ! Je sais qu’à l’Action Française on veut surtout être raisonnable, mais un camelot du roi âgé de quinze ans est sûrement un prodige de romanesque, et je sens bien qu’Henri Lagrange avait donné corps par la politique royaliste à tous ses rêves, à tout ce qu’il y a de plus insaisissable et de plus secret dans les mou-