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piano et un violoncelle et j’ai des éléments à ma compagnie. Cela a beaucoup ému Barrès, car les artistes étaient excellents. Il nous a tous embrassés.

Ah ! grand Dieu ! il était là. Si je me rappelle cette cave ! Par une matinée de juin, avec trois compagnons, je circulais dans Ablain, pire qu’un désert, longue rue dépecée par la mitraille, où venait encore à de longs intervalles un obus, et soudain voici que d’une cave s’élève un air charmant et savant de Bach, chanté par un violoncelle que soutient un piano. Nous frappons, on ouvre, et dans la nuit noire, vingt soldats, amateurs et musiciens, nous accueillent, parmi lesquels mon compatriote, le fils d’un ami de ma jeunesse, et qui ne s’est pas nommé ! J’en ai un grand regret, mais quelle preuve de l’excessive réserve de Pierre de Rozières, puisque je sais bien qu’il m’aimait.

Bientôt il allait rentrer dans la fournaise, et d’abord s’employer à la prise du chemin creux d’Angres à Souchez.