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revolver avec un officier bavarois qui m’avait manqué. » À l’hôpital où il est évacué, il apprend qu’une propriété de famille a été saccagée. Ses impressions se ramassent dans cette lettre à son père :

Rien n’est désespéré quand la sève est là ! Prions Dieu pour qu’elle reste toujours bien saine, la sève de la famille, et toujours française, cette terre lorraine qui nous coûte tant de larmes. Je vous embrasse, mon cher père, en vous assurant que si Dieu me garde la vie, ce ne sera que pour vous continuer entièrement : amour du sol et crainte de Dieu…

L’idée chrétienne se mêle avec une impétueuse beauté à tout son patriotisme terrien et familial :

L’heure d’un sacrifice général a sonné pour tous. Le meilleur sang est celui qui compte le plus aux yeux de Dieu comme holocauste. C’est à cela que je dois la vie, peut-être bien. Paul Michaut (son cousin des cristalleries de Baccarat) a été une des victimes par lesquelles Dieu nous accordera la victoire… Si je dois servir et bien servir à quelque chose dans l’avenir, j’ai la ferme conviction que je serai épargné. Mais si ma vie ne doit pas répondre à l’idéal que je me suis proposé, le bon Dieu me