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vail ; mais, se hâtait-il d’ajouter, ne vous méprenez pas : « Il y a un amour de la paix optimiste, conservateur et lâche ; je le redoute. Dans la Fédération future je n’accepterais pas de vivre s’il n’y fallait pas combattre les exploiteurs, les hypocrites, les imbéciles, et les Chrétiens. »

C’est ainsi qu’il parlait, ce jeune instituteur, au cours d’un voyage en Allemagne et sans doute sous l’influence de Nietzsche, et maintenant vous allez le voir, sous l’influence de la guerre, qui rectifie sa pensée et son tir.

Dès le 12 août 1914, ces premiers mots, un billet rapide : « Je pars dans un quart d’heure, 28e d’infanterie, 26e compagnie, Évreux… Si nous étions vaincus, c’est qu’il n’y aurait pas de justice, et vivre en un monde sans justice, ce n’est pas la peine… » Quel superbe frémissement de roseau pensant !

Le 4 septembre 1914, à la ferme d’Orbais, dans le Tardenois, il tombe blessé à l’épaule, est pris par les Allemands, et dix