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expliquait ses sentiments dans une autre lettre adressée à son ami M. Nail :

Je vous avouerai sans honte que c’est dur de quitter les siens avec l’idée que peut-être on ne les reverra plus… Mais le seuil de la caserne franchi, on n’est plus le même homme. À voir les arrivées successives de mobilisés, comme je les ai toutes vues, cela vous remue le cœur et vous enflamme et on ne demande qu’une chose : délivrer la terre de la clique impériale qui nous embourbe depuis si longtemps sous le poids formidable des armements.

« On n’est plus le même homme ! » Cette phrase prise isolément supprimerait le problème que nous examinons ; le contexte pourtant ne laisse aucun doute. M. Schiller, le cœur tout vibrant, prend le pas, s’associe au rythme de ses frères d’armes, mais ses principes, loin qu’il les abandonne à la porte de son dépôt, lui fournissent son ravitaillement moral. Et, comme lui, beaucoup de ses coreligionnaires pacifistes trouvent dans leurs doctrines et passions de la veille le foyer où ils vont réchauffer