Page:Barrès - Les Diverses Familles spirituelles de la France, 1917.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’ai été habitué de longue date à la solitude ; j’ai appris à l’aimer et à la rendre féconde ; je travaille intérieurement le plus possible ; je sais vivre au milieu des gens qui me sont indifférents comme si j’étais seul, sans récriminations insensées contre eux et sans me ronger moi-même, en toute paix, avec un complet détachement de ceux auprès desquels je dois vivre. Enfin, tout ce que je vois autour de moi, pays, ciel, forêt et scènes humaines, tout est si beau, si beau que la joie de la contemplation est constamment la plus forte. Avec les camarades, je me contente de relations de politesse : avec la nature, j’ai d’intimes, émouvantes et très douloureuses relations d’affection.

C’est vrai qu’il est différent, mais comment le lire sans l’aimer, ce jeune intellectuel, mort à vingt-cinq ans pour la France ! Certes, il est heureux qu’à côté de lui il y ait eu Péguy, Psichari, Marcel Drouet, et les jeunes Léo Latil, Jean Rival, Cazalis, enfants tout lumineux. Sa liberté d’esprit, son isolement, sa nature fine et noblement voluptueuse sont tout de même une forme de courage bien élégante et bien forte. Et puis il se rattache à notre