demoiselle lui a dit, en lui frottant familièrement la tête : « Eh ! petit, chez toi, tu manges le melon avec du sel ! » — « Mâtin ! pensa le grand-père de Rœmerspacher. Je crois qu’elle se moque de moi ! Elle m’a touché l’oreille !… » Et, laissant son assiette, il se sauvait chez lui, refusait pour jamais de retourner au château.
Aujourd’hui, parce qu’il critique les dépenses du gouvernement, on le croit conservateur ; mais, sans qu’il le sache, c’est plutôt un radical. On jugera d’après ce trait. Au temps du « 16 Mai », faisant partie du jury, il eut à se prononcer sur le cas d’un journaliste poursuivi pour insultes au maréchal de Mac-Mahon. M. Rœmerspacher blâmait ces injures, parce que le maréchal a été un brave soldat. Mais voici que le procureur dans son réquisitoire soutint cette thèse, que le gouvernement, quel qu’il soit, doit être respecté, par cela seul qu’il est l’autorité. Or, le vieillard, qui sur son banc déjà s’agitait, dans la salle des délibérations, éclata. L’homme possède une conscience ! L’homme peut et doit juger le gouvernement !… Il voulut qu’on fît venir le président et lui déclara :
— Ce journaliste ne vaut pas cher, mais nous l’acquitterons contre monsieur le Procureur et pour protester qu’il y a avant tout notre conscience. Voilà un homme. J’aime sa figure honnête de vieux jardinier ! Il a gagné sa vie et fait sa fortune dans l’agriculture et aussi en exploitant les marais salants. Ils donnent au pays une flore et par là une physionomie particulière : en automne, les mille petits canaux qui strient la région se couvrent d’une végétation éclatante lilas. Dans ce canton, à l’écart