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CHAPITRE XIX

DÉRACINÉ, DÉCAPITÉ

Si atterré qu’il fût de la figure tragique que prenait Racadot, Renaudin fit sur son ex-camarade d’excellents reportages les lundi 1er  juin et mardi 2 juin. Toute la presse s’y renseigna. On sut que l’assassin présumé était l’élève d’un des plus distingués professeurs de l’Université, M. Bouteiller. À cette époque, la dispute politique se faisait surtout entre cléricaux et anticléricaux. La désaffectation du Panthéon, enlevé au culte pour recevoir le corps de Hugo, venait d’exaspérer les journaux catholiques. D’une voix unanime, ils signalèrent dans le cas du bachelier assassin un effet de l’éducation distribuée par la République. Dès le lundi, Bouteiller fut averti par ses amis de Nancy qu’on exploiterait « le crime de Billancourt » contre sa candidature. Bien qu’il n’en fût resté aucune trace écrite, il regretta ses démarches auprès des ministres pour la Vraie République. Le mardi matin, il apprit de Suret-Lefort, avec une vive contrariété, qu’on pourrait impliquer Mouchefrin dans l’affaire. Le jeune avocat lui avoua, sous le sceau du secret, qu’à