Page:Barrès - Les Déracinés.djvu/472

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
462
LES DÉRACINÉS

se sont composées les formules où notre race a pris conscience et a donné communication au monde des bonnes choses qui lui sont propres.

Certains esprits sont ainsi faits que deux points les émeuvent dans Paris : — l’Arc de Triomphe, qui maintient notre rang devant l’étranger, qui rappelle comment nous donnâmes aux peuples, distribuâmes à domicile les idées françaises, les « franchises de l’humanité », — et cette colline Sainte-Geneviève, dont les pentes portent la Sorbonne, les vieux collèges, les savantes ruelles des étudiants. L’Arc de Triomphe, c’est le signe de notre juste orgueil ; le Panthéon, le laboratoire de notre bienfaisance : orgueil de la France devant l’univers ; bienfaisance de la France envers l’univers. Le même vent qui passe et repasse sous la voûte triomphale court aussi sans trêve le long des murs immenses du Panthéon, c’est l’âme, le souffle des hauts lieux : nul n’approche le mont de l’Étoile, le mont Sainte-Geneviève qui n’en frémisse, et pour les plus dignes, ce sera le moteur d’une grande et durable activité.

De l’Étoile au Panthéon, Victor Hugo, escorté par tous, s’avance. De l’orgueil de la France il va au cœur de la France. C’est le génie de notre race qui se refoule en elle-même : après qu’il s’est répandu dans le monde, il revient à son centre ; il va s’ajouter à la masse qui constitue notre tradition. De l’Arc où le Poète fut l’hôte du César, nous l’accompagnons à l’Arche insubmersible où toutes les sortes de mérite se transforment en pensée pour devenir un nouvel excitant de l’énergie française.

Hugo gît désormais sur l’Ararat du classicisme national. Il exhausse ce refuge. Il devient un des