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LE LYCÉE DE NANCY

pliée, il fuit dans le désert. Quitter les lieux où l’on a vécu, aimé, souffert ! Recommencer une vie nouvelle ! Parfois, c’est délivrance… Mais ceux-ci, au seuil de la vie, déjà leur amour est pour tous les inconnus : pour le pays qu’ils ignorent, pour la société qui leur est fermée, pour le métier étranger aux leurs. Ces trop jeunes destructeurs de soi-même aspirent à se délivrer de leur vraie nature, à se déraciner.

À la fin de ce mois de mai 1880, M, Paul Bouteiller partit pour Paris, n’ayant été, bien que nous paraissions lui en faire porter la responsabilité, qu’un instrument de transmission. Des forces allaient marcher par le monde, auxquelles il avait donné l’impulsion, sans parvenir à les aiguiller.

Dans le même moment, les Fanfournot quittaient exaspérés Nancy, s’acheminant, eux aussi, vers la capitale pour frapper vainement aux portes des grandes maisons de l’Empire.