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LE LYCÉE DE NANCY

discipline… Enfin ! je sais que vous ne serez jamais un homme de désordre.

Bouteiller ne s’arrête pas un instant à comprendre la réponse de Saint-Phlin. Cet enfant, fils d’un général et orphelin de mère, fut élevé par sa grand’mère dans une propriété qu’elle gère elle-même et qui représente tout leur patrimoine. Elle juge sainement qu’il pourrait y mener une vie honorable et utile. Les intérêts réels de l’enfant et de ce coin de France, canton de Varennes, ont été étudiés de plus près par cette vieille dame que par un philosophe nomade. Celui-ci, qui ne s’attache qu’à trouver des serviteurs à l’État, méprise un petit être accroché à sa famille. C’est par un simple mouvement de justice qu’il ne veut pas le quitter en le bafouant et qu’il conclut :

— Ne riez pas, messieurs, Gallant de Saint-Phlin est un bon Français. Le pays le trouverait aux jours graves !

Puis, passant au voisin :

— Vous avez de la ténacité, monsieur Racadot, et de la discipline. Si votre esprit d’une croissance plus vigoureuse que rapide ne vous permet pas d’atteindre l’École normale dans les délais, pourquoi ne chercheriez-vous pas l’agrégation de grammaire ? Mais à quelque administration que vous apportiez votre concours, vous ferez un excellent fonctionnaire, solide au poste, utile à ses chefs et désigné pour de justes distinctions.

Enfin, il s’arrêta devant Suret-Lefort dont il estimait le sérieux.

— Monsieur Suret-Lefort, je vous vois au barreau. J’ai lieu d’espérer que vous ne vous perdrez pas dans