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LES DÉRACINÉS

à la Banque : je te prie de ne pas me tourmenter. Le nombre des journaux n’est pas limité, il peut s’en mettre à volonté ; et tu peux tomber malade : ton journal, qu’est-ce que j’y comprendrais. Tandis qu’une charge de notaire, cela peut toujours se vendre, ou bien encore on prend un clerc. Après que tu es resté trois ans dans le notariat, dire que ce temps est perdu ! Combien de journalistes végètent ! Tu aurais mieux fait de me laisser ton argent, et de rester clerc de notaire. Quand tu pouvais être heureux, tu as voulu t’enchaîner. Je ne te comprends pas de traiter avec des gens aussi sévères pour le paiement.

« Tu dépenses de l’argent mal à propos pour tes dépêches et ports de lettres, car tu sais ma position et que je dois travailler comme si je n’avais rien pour vivre depuis que tu m’as réclamé un argent dont ta pauvre mère ne croyait certainement pas que je serais jamais privé. Après cela, je ne comprends même pas pourquoi tu comptes tant sur moi pour te compléter. Tu ne calcules pas ce que tu as coûté à ton père depuis ton entrée au collège. Tu m’écris lettre sur lettre pour me tourmenter comme si le feu était chez toi. Tu devrais penser que moi, maintenant, j’ai besoin d’argent. Tu t’es engagé selon ton idée et malgré ma volonté, car les personnes qui connaissent ce genre d’affaires me disent que le notariat est préférable.

« Depuis que j’ai appris comment, sur ton acquisition, tu devais encore dix mille francs, je ne dors plus, même pas la nuit ; je crois que cela va me faire mourir d’avoir tant dépensé d’argent pour un enfant qui ne me donne que des chagrins. »