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CHAPITRE XV

QUINZE JOURS DE CRISE

La vie de Racadot, sous son tartre de banalité, a vraiment un rude éclat. C’est une situation d’une valeur historique. Voilà un petit-fils de serfs lorrains, hâtivement introduit, juxtaposé plutôt parmi ces jeunes capitalistes. Cet ensemble n’était maintenu que par l’étau universitaire : s’il se desserre, et les intérêts ne s’étant point liés, on constate qu’il n’y avait pas entre eux de sentiment, ni même de simple agrément. Le mécanisme instinctif de cette collectivité tend à expulser les Racadot, les Mouchefrin, à les rejeter dans le prolétariat, à les dégrader.

Bien naturellement, c’est un grand problème pour nous, qui avons vu Racadot entrer par le lycée dans la classe bourgeoise, de savoir si cette expulsion se fera et dans quelles conditions.

Vers la fin d’une grosse crise d’ambition, d’argent, d’honneur, de danger, un homme se transforme. Sur sa figure décharnée par l’effort et par l’angoisse, tout son passé s’efface. C’est physiquement un être prêt à recevoir, d’un dernier coup de pouce de la