Celui-ci étant neuf, s’informe. Dans les bureaux ou dans les couloirs, on lui dit : « Il y a un tel qui est au courant. » Le ministre et son conseiller examinent la nomenclature des gens achetables, petits ou puissants, qu’ils fassent passer des échos ou de longs articles. Un ministre qui réfléchit se rend compte qu’on agit sur l’opinion par des faits, bien plus que par la manière de les présenter : le publiciste, qui vaut réellement de l’argent, c’est celui qui est en posture d’inventer et de lancer une nouvelle propre à remuer, un jour ou deux, le public. En conséquence, la liste qu’arrête le ministre ne diffère pas sensiblement de celle qu’avait dressée son prédécesseur. Ce sont toujours les mêmes journaux et les mêmes journalistes que les partis au pouvoir subventionnent.
Ce premier travail pourtant n’a rien de définitif. Chaque jour, des publicistes demandent le chef du cabinet :
— Il se prépare une campagne. Il y a des gens qui se promènent dans les journaux, qui colportent des papiers ; ce serait très facile à avoir… C’est une affaire de 500 francs.
À ceux-là, on ne donne rien. Celui qui obtient est plutôt le quémandeur obstiné qui geint :
— On me donne 3,000 francs depuis des années… J’ai pris des arrangements… C’étaient des promesses formelles… Que vais-je devenir ? Ma femme est très malade… Il faut pourtant que je vive !
On l’inscrit pour 500 francs.
Le publiciste parlementaire ne tire pas seulement sur le ministère de l’Intérieur. Par ricochet, il peut aussi toucher aux Affaires étrangères. À l’une et l’autre caisse, les subsides sont distribués par paquets