Page:Barrès - Les Déracinés.djvu/365

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
355
UNE ANNÉE DE LUTTES

et d’assassins. Nous visitons plusieurs fois la semaine les cabarets mal famés. Avez-vous exploré le quartier Maubert ? je m’y suis fait des amis. Nous irons ensuite aux boulevards extérieurs et sur les berges de la Seine. J’aime à goûter ce qu’a de plus rare chaque pays. Dans cette belle Égypte, nous avons vu ensemble des enfants frémissant de la fièvre du soir, divins et que leur nombre fait sans valeur ; le soleil qui se meurt, comme un poisson du Nil dans la main d’un Dieu, et passe du jaune au rouge, au lilas pour se fondre, de passion pâmé, hors de la vie ; les rossignols éperdus sur les palmiers assombris, les siècles demi dégagés de leurs bandelettes, et les solitudes liquides de la paix égyptienne. Mais à Paris, des dégénérés qui boivent des mélanges de Locuste dans une atmosphère d’hôpital et de bagne, cela aussi me sort de l’ordinaire.

« Astiné Aravian. »

Dans chaque administration, c’est la belle coutume des agents d’user des journaux pour peser sur leurs chefs hiérarchiques, ou pour obtenir du gouvernement ce que celui-ci, toujours craintif des difficultés, accordera seulement à un mouvement de l’opinion. Le diplomate avec qui correspondait madame Aravian saisit au vol cette occasion. Il lui demanda, courrier par courrier, d’être sa discrète intermédiaire auprès de ces messieurs qu’elle lui peignait si plaisamment en Scapins tragiques. Il y avait lieu d’émouvoir le public français sur la situation qui était faite à nos compatriotes à X… « C’est besogne patriotique et dont ne pourra que profiter