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LE LYCÉE DE NANCY

la plus décisive, dont, à plusieurs reprises, je vous ai signalé les temps : comment Kant aboutit au scepticisme absolu et puis comment il rétablit le principe de certitude, disant : « Une réalité existe, c’est la Loi morale. » Beaux horizons, messieurs, qu’il ne nous est pas donné de parcourir ensemble, mais, prévenus par mes soins, vous voudrez souvent y revenir.

« Cette certitude des satisfactions que je trouverais à rester au milieu de vous me rend suspect le désir que j’en ai. Le devoir, pour l’ordinaire, a des aspects plus austères. Craignons de nous masquer la vérité par égoïsme.

« N’y a-t-il pas ailleurs une tâche plus lourde ? des esprits qui ont besoin d’un conseiller, d’un guide ? Je remets leur sort entre vos mains. Pour moi, j’ai fait mon sacrifice. Si je n’ai pu cette nuit prendre un instant de repos, c’est que je devais accepter cette douloureuse séparation. À vous maintenant d’apprécier si vous vous sentez l’énergie d’immoler au meilleur bien l’avantage incontestable de continuer sous un même maître la préparation de votre examen.

« Nous allons voter. Voter librement ; je me conformerai à la décision de votre majorité, mais l’on aura vu si vous êtes des hommes capables de céder au devoir.

« Que ceux qui sont décidés à s’incliner devant la décision du gouvernement lèvent la main. »

Après s’être regardés les uns les autres, ils mirent les mains en l’air. M. Paul Bouteiller dit :

— Maintenant l’épreuve contraire. Que ceux qui protestent contre mon départ lèvent la main.