mière pièce. Et tous trois ils s’endormirent au bruit de l’imprimerie ronflant au-dessous d’eux. Réveillé dès cinq heures, Racadot déploya son journal et il soupçonna que ce magnifique document était illisible. Vers midi, il alla dans quelques brasseries de journalistes. On l’y recevait bien, parce qu’il pouvait prendre de la copie ; mais, par cette même raison, on lui dénigra plus que de justice ses rédacteurs. Aussi fut-il ému quand chacun de ceux-ci, un peu plus tard, à sa question : « Que m’apportes-tu ? » répondit paisiblement : « La suite. »
Mais ils étaient les rameurs de sa barque et il avait trop d’intérêt à les avoir bien choisis pour ne pas se solidariser avec eux. Sans argent, par qui les remplacer ? Tout de même, il les sentait d’aplomb, et ce solide paysan lorrain, demi-avoué, méprisait comme des farceurs leurs dénigreurs de café.
Au bout de trois jours, pourtant, il dit à Sturel :
— Un journal, ce n’est pas de la poésie, ni de l’histoire, ni de la philosophie. J’aime les genres tranchés.
C’était l’opinion de Napoléon ; surtout c’est l’opinion du plus grand nombre ; et cette autorité-ci plus que la première touche Racadot, car il ne fait pas d’esthétique en l’air, mais d’après les données positives de la vente.
Sturel répliqua :
— Précisément, nous tranchons fortement sur les autres journaux. Nous posons des idées, et qui ont chance d’avoir un public jusqu’alors peu servi. C’est une expérience intéressante.
— Je ne peux pas faire d’expérience, conclut Racadot.
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