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SON PREMIER NUMÉRO

et des discours, le texte des amendements et propositions. Parmi ses anciens présidents on peut citer Wolowski, Goulard, Ferdinand de Lasteyrie, Mortimer-Ternaux, Frédéric Passy, Ernest Picard, Paul Target, Ferdinand Duval, Albert Leguay, Clamageran, Lefèvre-Pontalis, Floquet, Clément Laurier, Léon Renault, Gambetta, Hervé, Ribot, Méline. C’est le laboratoire où des jeunes gens qui auraient pu être sincères, brefs et respectueux de la vérité, se dressent et s’entraînent à estimer leurs honorables contradicteurs, à développer indéfiniment ce qui pourrait tenir en deux cents mots, et à utiliser, quand l’erreur va apparaître, une cinquantaine de tours inventés par les vieux prestidigitateurs de la tribune. Éducation incomplète pourtant, et c’est fatal ! les sujets formés dans le tumulte de ces déclamations d’école ont un dernier stage à accomplir, ils ignorent la partie commerciale du parlementarisme : il leur manque de s’être exercés au marchandage et à la vente de leurs votes.

L’année 1884, où Suret-Lefort se formait l’âme à la Molé, vit peut-être la session la plus brillante. Le nombre des présents à chaque séance variait de quatre-vingts à deux cent vingt membres. Dans ses articles, qui par là demeurent intéressants, Suret-Lefort passa en revue les physionomies les plus notables de ses jeunes collègues.

Il connut et décrivit, à l’extrême gauche : Laguerre et Millerand dont les noms suffisent ; Revoil, d’une ironie incisive, dialecticien vigoureux, clair, sobre, amusant. À la gauche radicale : G.-A. Hubbard, éloquence à l’espagnole, très admiré, qui promettait beaucoup ; André Berthelot, avec des facultés puis-