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LES DÉRACINÉS

à travers la cloison interrompirent Saint-Phlin qui maintenant communiquait son travail à ce conseil de rédaction improvisé. On blâma le tapage sans même en demander la cause.

Saint-Phlin a poussé plus loin encore que ses amis l’indifférence aux intérêts de la Vraie République. Il tourne tout net le dos au public. Et, pour Rœmerspacher et Suret-Lefort, qui contredisent volontiers le christianisme, il a traité ce thème :

« Le ton de sacristie vous dégoûte. Mais les Homais, les Bouvard, les Pécuchet, les professionnels de l’anti-cléricalisme vous semblent-ils préférables aux bedeaux ? C’est dans leurs expressions élevées qu’il faut comparer le système scientifique et le catholique. Celui-ci fournit aux nations modernes une discipline morale que jusqu’à cette heure personne n’a pu dégager de la science. Pourquoi chercher autre chose ? La vérité, c’est ce qui satisfait les besoins de notre âme, comme une bonne nourriture se reconnaît à ce qu’elle assure notre prospérité physique. »

Rcemerspacher, décidément, soit qu’il fût le plus capable de rendre des services, soit qu’il eût plus de décision, prenait l’emploi de rédacteur en chef dont il avait refusé le titre ; c’est lui qui conteste l’article de Saint-Phlin :

— Pardon, dit-il, j’admets bien le catholicisme comme supérieur à toutes les doctrines révélées actuellement en cours ; il a fourni à l’humanité une discipline sociale incomparable. Mais que voulez-vous que j’y fasse si ma raison s’insurge contre un certain nombre de ses dogmes et si ces incrédulités partielles entraînent l’écroulement de tout l’édifice !