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SON PREMIER NUMÉRO

n’avons pas subi seulement un Sedan militaire, politique, financier, industriel ; c’est encore un Sedan intellectuel. Avec l’intégrité du territoire à reconstituer, il y a aussi l’intégrité psychologique à sauvegarder. La phrase d’un patriote du XVIe siècle reprise par Déroulède est magnifiquement exacte : « Le tout est que tout ce qu’il y a de Français en notre France se réveille, se rallie et ait une parfaite intelligence ensemble. »

L’appel de Sturel au Français-type ne serait-il pas plus puissant s’il nous disait son voyage à Neufchâteau, la genèse de cet article ? Il y manque par défaut de talent et par défaut de lucidité. Il n’a pas encore filtré, clarifié ses idées pour que nettes et pures, elles apparaissent à lui-même et au public, disant : « La France débilitée n’a plus l’énergie de faire de la matière française avec les éléments étrangers. Je l’ai vu dans l’Est, où sont les principaux laboratoires de Français. C’est pourtant une condition nécessaire à la vie de ce pays : à toutes les époques la France fut une route, un chemin pour le Nord émigrant vers le Sud ; elle ramassait ces étrangers pour s’en fortifier. Aujourd’hui, ces vagabonds nous transforment à leur ressemblance ! »

Tel quel, cet article devait contenter Rœmerspacher, qui y retrouva ses préoccupations. Devant l’admiration que les plus importants de ces jeunes gens se témoignaient ainsi les uns aux autres, Racadot n’osa pas exprimer une inquiétude qui venait de l’envahir. Ayant surpris Mouchefrin, dans la pièce voisine, en train de raconter à la Léontine que les articles étaient assommants, il se soulagea par un accès de colère contre ces deux oiseaux de malheur. Ses éclats