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SON PREMIER NUMÉRO

blique, elle écrit à une amie : « Tu me demandes le nouveau métier d’Honoré. Tu connais bien Victor Hugo ? Eh bien ! il est cela, un Victor Hugo ! » Et dépeignant les bureaux du journal : « À Paris, il faut de l’étalage, beaucoup. Nous habitons le quartier le plus commerçant, à dix pas de la rue Montmartre, trois pièces et le cabinet inodore renfermé chez moi. Il ne faut pas que du logement ; il y a des meubles. C’est le cabinet de travail en meubles noirs, avec les doubles rideaux de reps vert, qui est le plus beau. Quand j’ai vu le gas[sic] Racadot installé là-dedans, j’ai failli en tomber sur le derrière, tant j’étais contente… » La lecture un peu philosophique, comme on voit, qui lui parvenait à travers la cloison, ne gâtait ni la manière ni le bon sens de la Léontine.

Rœmerspacher avait voulu donner un complément à son étude sur Taine. L’idée parut bonne à Sturel, à Saint-Phlin, à Suret-Lefort : un article qui avait plu à Taine n’était-il pas un article à succès ?

« Soit que nous voulions nous réjouir de la bonne santé de notre pays, soit que, le croyant malade, nous voulions le soigner, il y aurait intérêt à connaître, au long de leur développement, les transformations des forces nationales et les divers instants de l’énergie française.

« Aux deux extrémités de notre histoire, nous avons deux beaux livres : et dans l’intervalle, le vide. L’Histoire des Institutions politiques, de Fustel de Coulanges, et les Origines de la France contemporaine, de Taine, voilà deux blocs admirables, deux assises pour notre jugement. Mais entre ces deux points de repère, quels historiens philosophes nous