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LES DÉRACINÉS

Révolution et la France aient été faites contre nous, nous ne pouvons empêcher que nous ne soyons leur fils et nous les adoptons toutes deux. Si Bouteiller partage les opinions de Robespierre, pourquoi nous a-t-il crus indignes d’y acquiescer ?

— Moi non plus, dit Sturel, je ne reprocherais pas à Bouteiller son accent religieux et de parler de devoirs. Je n’ai pas peur du grand jacobinisme : ne vous ai-je pas mené à Bonaparte ? Que Bouteiller nous propose un principe qui agrandisse notre être ; de toutes nos sensibilités, nous nous attacherons à ses conséquences.

— Robespierre a raison, dit Rœmerspacher : pour créer le devoir social, il faut une religion. Pas la religion d’un côté et la science ailleurs, mais l’une et l’autre se pénétrant. Seulement, à qui demander cette unité vitale ?

— Au catholicisme, dit Saint-Phlin.

— Le catholicisme en France, répliqua dédaigneusement Suret-Lefort, c’est les congrégations, le parti jésuite : immédiatement, vous serez impopulaires. Robespierre s’est tué à vouloir ressusciter Dieu et pourtant il avait pris ses précautions : « Prêtres ambitieux, s’écriait-il, n’attendez pas que nous travaillions à rétablir votre empire ! Une telle entreprise serait même au-dessus de notre puissance… »

Saint-Phlin surexcité l’interrompit :

— Tu réduis le catholicisme au cléricalisme, état d’esprit éphémère entretenu par des taquineries administratives. Les catholiques, qu’on chasse le plus possible du gouvernement, contre qui l’on gouverne, ce sont des gens du type français, et on leur