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LES DÉRACINÉS

— Opportuniste, radical, selon les milieux, répliqua Renaudin.

— Exactement, rectifia Suret-Lefort, c’est un gambettiste qui répugne aux modérations qu’a apportées Ferry dans trois ou quatre questions, telles que les conventions de chemins de fer… C’est la nuance d’Allain-Targé et de certains gardiens scrupuleux de la pensée du chef, qui vont au radicalisme.

— Alors, ces grands mots : « devoir…, révoltés…, sacrifiés…, » cette excommunication, c’est parce que nous ne nous sommes déclarés ni opportunistes, ni radicaux ?

Quand on examine soigneusement ces chocs de sensibilité et leurs conséquences, on trouve toujours que la plaie a des aspects différents selon la profondeur où l’on sonde. La plus approchante définition ne serait-elle point ceci : formés sur une terre qui n’a pas perdu toute puissance et par une première éducation dans la famille, les meilleurs de ces jeunes gens sont délégués pour affirmer un idéal distinct de celui que sert passionnément ce déraciné supérieur Bouteiller, que nous pouvons dire, dans les termes étroits de notre thèse, un sans-famille et un sans-patrie. — Toutefois, pour la commodité, on peut se borner à déclarer « qu’ils ont des opinions politiques différentes », surtout si l’on entend (et qui serait assez naïf pour l’oublier ?) que nos partis sont des Français groupés selon leurs tempéraments plutôt que sur des programmes.

Renaudin, qui trouvait ses amis bien jeunets de s’émouvoir, déclara, avec le ton désintéressé d’un expert :