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LA FRANGE DISSOCIÉE ET DÉCÉRÉBRÉE

coordination… Bien au contraire, ils s’appliquent à s’annuler. Manifestement, notre pays est dissocié.

Eux-mêmes, ces fils de l’Université si désireux de jouer un rôle, ne sont reliés à aucune de ces grandes forces éparses. Peut-être, à les examiner avec complaisance, surprendrait-on chez deux d’entre eux des éléments de sociabilité. — Saint-Phlin aime et comprend son patrimoine de Varennes. Par un séjour annuel de quatre mois à Saint-Phlin, ils donne de la réalité à ses rapports avec la patrie, dont ses champs lui enseignent vaguement les droits historiques. Leur voix existe en lui, pourrait y prendre de l’intensité. Rœmerspacher, fait son noviciat dans cette importante confrérie qui demande aux recherches scientifiques, non pas seulement de contenter la haute curiosité ou d’accroître le bien-être général, mais de satisfaire notre besoin d’harmonie et, pour tout dire, notre besoin du divin. Probablement il sera de ceux qui s’efforcent, par la transformation des consciences, à faire entrer la France, l’Europe, dans une phase de civilisation nouvelle. — Les autres, hélas ! qu’ils sont isolés ! L’ordre des avocats donne à Suret-Lefort des commodités et des gênes, mais non pas un esprit, une foi. Il en use sans y être rattaché par aucune fibre vivante. Le journaliste Renaudin, qui croit avoir des confrères, est plus seul qu’au coin d’un bois. Il s’agite, pour gagner son pain, sans s’intéresser à sa corporation, ni à aucune œuvre commune supérieure. Sturel, Racadot, Mouchefrin plus évidemment encore sont déliés de tout.

De cette situation les bureaux sont responsables. Le Bureau de l’Enseignement public les a dégoûtés