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LES DÉRACINÉS

soit par impuissance de réflexion, contredire leur principe. C’est pour avoir su toujours se conformer à sa destinée, se ramener sous sa loi, que Napoléon nous est un magnifique enseignement.

« Il avait été amené à diviniser Rousseau et Paoli, et il s’était résolu de collaborer à leur œuvre, mais il sut voir un jour que, pour rester fidèle à sa nature, à soi-même, il devait s’écarter de ces deux maîtres, se différencier du premier et même combattre le second. Vers sa vingt-deuxième année, il fit ce suprême effort de sa formation psychique. L’apprentissage se terminait.

« En s’associant à Paoli, que suivait la Corse entière, il eût manqué à sa destinée. Il retira de ce chef populaire son idéal, pour le réincarner dans la France. Notre pays, jusqu’alors, aux yeux de Bonaparte, avait été l’ennemi parce que l’ensemble de nos institutions entravait ses aptitudes au commandement, tandis que la Corse, où Paoli avait régné, se prêtait à la dictature bienfaisante d’un patriote ; aujourd’hui, en face de la France qui aspire à s’organiser, et de la Corse qui se fait conservatrice, Bonaparte, fidèle à ses besoins, n’hésite pas à bouleverser les habitudes de son esprit. Il se résigne à être « voué à l’exécration » par sa patrie et par son héros Paoli. Bien qu’il ne goûte pas la démagogie jacobine, il se range avec ce parti qui possède alors la France. — À ce signe, reconnais César ! Il a fait le geste des Maîtres… Il nous donne la suprême leçon d’énergie que tant de fois, dorénavant, il répétera : dans une situation déterminée, il n’y a pas à subir, mais toujours à délibérer. La Fortune, elle aussi, dans un tel homme, reconnaît l’espèce qu’elle