d’un long silence ; tes images datent les idées qu’elles expriment. Ce sont des plaisirs barbares, du moins de primitifs ; la vraie vie, aujourd’hui et dans notre ordre, c’est simplement de comprendre le monde. Non ! M. Taine n’a éliminé aucun devoir ; en vivant pour penser, il s’est soumis à sa destinée.
Ils avaient monté la rue Royale, suivi les boulevards jusqu’à la rue Drouot ; maintenant ils grimpaient la rue des Martyrs. Comme un décor, les pensées de ces deux enfants s’interposaient entre leurs yeux et la réalité. Les régions qu’ils parcourent vers ces sept heures du soir, c’est pourtant le grand parc de la vénerie parisienne. Des hommes en quête de filles, les uns légers, bondissants, prêts à s’envoler ; les autres lourds et sous qui leurs jambes s’écrasent. Des femmes aussi : prostituées rapides et éclatantes comme des lumières, trottins et blanchisseuses qui rient en pressant le pas ; étrangères touchées par l’atmosphère de Paris, qui s’offrent et, au premier geste, s’épouvantent. Cette chasse érotique, avec ses arrêts dans la pleine lumière des magasins et sous les becs de gaz, avec ces regards qui dévisagent, elle a la gravité, l’ardeur d’une monomanie. C’est la folie crépusculaire des grandes villes énervées du manque d’oxygène. À cette heure, dans ce centre de Paris, passe aussi la chasse de vanité, tous ceux qui, à un titre quelconque, voudraient qu’on les désignât du doigt, boursiers, journalistes, gens de cercle, cabotins, quelques artistes, tous hystériques convaincus que l’univers partage leurs trépidations. Enfin la chasse d’argent, depuis le négociant qui court à des rendez-vous pour trouver des ressources à son affaire compromise, jusqu’au malheureux qui