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CHAPITRE V

UN PROLÉTARIAT DE BACHELIERS ET DE FILLES

Pendant l’année 1883, ces jeunes Lorrains d’âmes avides s’assimilèrent, selon leur tempérament, la civilisation, l’ensemble des opinions et des mœurs où ils étaient plongés.

Le Quartier latin, cet amas d’Écoles, né par alluvion du fleuve des morts, doit être conçu comme un Ararat, une haute terre de refuge, un sommet où la nation se ressaisit, défie les invasions. Dans une patrie, il faut ce point fixe : une conscience ; non pas immuable, mais qui s’analyse et qui évolue, en ne perdant ni sa tradition, ni le sens de sa tradition. C’est un lieu national, mais où quelques privilégiés, délégués de chaque génération, viennent s’élever jusqu’à la raison internationale, humaine, en comprenant toutes les conditions de l’existence sous tous les climats et que la dissemblance des visages nécessite celle des mœurs comme l’éloignement des pays celui des sentiments.

Sur cette haute terre, il est beau que soit installé le Panthéon, essai d’un culte qu’il faudrait rendre aux grandes ombres. Le voilà, le point suffisant de