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LES FEMMES DE FRANÇOIS STUREL

François : une parfaite politesse et de l’usage sauvent toutes les situations ». L’innocent ne songea même pas qu’il y fallait aussi cet aimable essentiel qu’il apportait.

S’il analyse imparfaitement les conditions de cette jolie après-midi, du moins son insouciance le rend digne de s’associer à ce bon ton. Quand madame Astiné revint, à l’enfant qui, sans scrupule, déjà sommeillait doucement, elle fut, cette jolie femme de trente-deux ans, une délicieuse révélation de joli corps, frais sous sa chemise légère, comme un fruit choisi, venu de très loin, avec mille précautions, dans des papiers de soie. Après qu’il l’eût fêtée de tout l’entrain de ses vingt ans émerveillés et qu’enfiévrait encore une nuit d’insomnie, il s’endormit profondément.

Il lui sembla bien qu’elle l’engageait à se lever. En vérité, il se serait plutôt laissé guillotiner que de quitter cette bonne chaleur, ce repos et ses rêves. Elle dut en prendre son parti et s’installa auprès de lui à faire sa correspondance. Vers cinq heures, elle s’approcha :

— Petit, il est temps de vous préparer pour le dîner.

Mais lui, étendu comme un jeune animal, s’étirait quand elle lui parlait, les bras ouverts, prêt à la recevoir une fois encore, les yeux clos dans une cernure bleuâtre et avec un mélange de reconnaissance et de bouderie contre ce réveil, — tel enfin que la jeune femme murmurait, animant d’un sourire son regard sombre et sa belle figure mate :

— Quel égoïste !

Elle dut l’enfermer à clef, quand elle descendit à