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UN HOMME LIBRE

Par parole : avoir renié mon âme, jolie volupté de rire intérieur, mais qui demande un tact infini, car l’âme ne demeure intense qu’à s’affirmer et s’exagérer toujours.

Par œuvre : n’avoir pas su garder mon isolement. Trop souvent je me plus à inventer des hommes supérieurs, pour le plaisir de les louer et de m’humilier. C’est une fausse démarche ; on ne profite qu’avec soi-même, méditant et s’exaspérant.

Quand j’achevai cette confession, Simon me dit :

— Il est un point où vous glissez qui importe, car nous saurions en tirer d’utiles renseignements pour telle manœuvre importante vous avez eu un métier.

— C’est juste, lui dis-je. Un métier, quel qu’il soit, fait à notre personnalité un fondement solide ; c’est toute une réserve de connaissances et d’émotions. J’avais pour métier d’être ambitieux et de voir clair. Je connais parfaitement quelques côtés de l’intrigue parisienne.

— Voulez-vous me donner des détails sur