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UN HOMME LIBRE

Avant cette journée décisive, déjà la grâce m’avait visité. J’avais déjà entrevu mon Dieu intérieur, mais aussitôt son émouvante image s’emplissait d’ombre. Ces flirts avec le divin me ternissaient le siècle, sans qu’ils modifiassent sérieusement mon ignominie. C’est par le dédain qu’enfin j’atteignis à l’amour. Certes, je comprenais que seul le dégoût préventif à l’égard de la vie nous garantit de toute déception, et que se livrer aux choses qui meurent est toujours une diminution ; mais il fallut la révélation de Jersey, pour que je prisse le courage de me conformer à ces vérités soupçonnées, et de conquérir par la culture de mes inquiétudes l’embellissement de l’univers. C’est en m’aimant infiniment, c’est en m’embrassant, que j’embrasserai les choses et les redresserai selon mon rêve.

Oui, déjà j’avais été traversé de ce délire d’animer toutes les minutes de ma vie. Sur