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un homme libre

sur la façade nette d’un hôtel très neuf, parmi cinq ou six groupes élégants et modérés. Je surveillais le visage de Simon ; à la troisième gorgée je vis sa gravité se détendre. Moi-même je me sentais dispos.

— N’est-ce pas, lui dis-je, la première minute agréable que nous trouvons à Jersey ? Il n’était pourtant pas difficile de nous organiser ainsi. Quoi en effet ? un joli temps (c’est la saison), de l’inconnu (le monde en est plein), une tasse de thé qui encourage notre cerveau (1 fr. 50).

— Tu oublies, me dit-il, deux autres plaisirs l’analyse que nous fîmes, hier soir, de notre ennui, et l’éclair de ce matin, à table, quand nous nous sommes surpris à souffrir, l’un et l’autre, de l’impudeur de leurs appétits.

— Arrête ! m’écriai-je, car j’entrevois une piste de pensée.

Et, riant de la joie d’avoir un thème à méditer, nous courûmes nous installer sur un rocher en face de l’Océan salé. Au bout d’une heure, nous avions abouti aux principes suivants, que je copiai le soir même avant de m’endormir :